Dans le blanc sans fin du paysage, n’avoir plus peur du vide, embrasser tous les possibles. Faire de petits pas dans la neige. Doucement. Regarder les flocons vaciller dans le vent, le ciel, sans discontinuer, essaimer des pétales de roses blanches. Leur trouver la majesté d’une traîne d’astre lunaire ; ils rivalisent en beauté avec le coton d’argent des nuages.
Sentir encore, parfois, la gifle du vent qui vient nous griffer les lèvres. Ensanglantées. Croiser un arbre tout noir, dévêtu, rabougri, raide et fragile, engourdi par le froid. Mis à nu, mais debout. La peur s’invite à nouveau dans la vie au-dedans. Alors, courir. Courir pour que cessent les cris. Courir pour y aller malgré tout. Aller à toute allure, passer au travers des fantômes de gens, ne pas se retourner, avancer mais trembler. Semer des larmes sur notre route, se retrouver seule dans la nuit, inondée par la pluie neigeuse.
Mais gravir cette colline, trébucher dans les pierres, s’en relever, se heurter aux racines, s’en relever. Avancer, non sans peur mais avec courage et le givre qui nous perce les cils. Les larmes deviennent des stalactites, nos joues, des perles de glace. Mais y parvenir, arriver tout en haut de la colline. Alors, s’agenouiller au pieds d’un arbre et exploser de liberté. Briser les stalactites, les perles de glace. Enrager. Crier tout ce qui ne l’a pas été. Semer des larmes pour que pousse là, dans cette endroit secret, un saule pleureur. Mémoire de femme. Libérée d’une appréhension étrange, celle de vivre, celle d’un jour devoir partir, et que tout ça n’ait pas de sens.
Laisser germer le sens : semer les larmes de notre raison d’être. Un cri pour comprendre le sens de la vie. Renaître sous la pluie glacée. Regarder vaciller les fleurs de givre et les laisser tomber sur le monde, le recouvrir de blanc, terre des possibles. Vivre pour la beauté. Le sens : la beauté.
Et se déposséder de soi-même. Se libérer. Laisser pénétrer le silence.
R.A


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