Je m’interroge sur ce qui nous amène à envisager que nous avons une place dans le monde seulement si nous nous sommes battu.e.s pour l’avoir. Nous voulons « avoir » une place mais la vie nous apprendra que le plus essentiel n’est pas d’avoir une place. Le plus important, c’est d’ »être » en place, d’exister, d’englober le réel, d’être préparé.e pour toutes les transformations, les changements, qui seront nombreux.
Avoir une place nous fige. Nous nous y agrippons par peur de la perdre, pour honorer nos batailles, nos égratignures, nos sueurs et nos larmes. Et nous parvenons, épuisé.e.s, sur ce trône qui deviendra tôt ou tard notre fardeau, notre boulet. Nous comprendrons que nous sommes assis sur des chardons, que cette place nous agresse et nous tiraille. Oui, mais nous l’aurons gagnée alors nous y resterons, coûte que coûte. Nous l’aurons gagnée, auréolé.e.s de gloire. Quelle gloire ? Gloire d’avoir dû écraser d’autres personnes ? Gloire d’avoir dû sacrifier parfois sa dignité ? Gloire d’être rongé.e par le stress à l’idée de n’être rien sans elle ? Gloire d’avoir soi-même souffert pour gagner l’estime des plus hauts placés ?
Ces personnes qui ne parviennent jamais à regagner une chaise au jeu des chaises musicales, ce sont pas les perdant.e.s. Je crois que ce sont celles et ceux qui restent debout, à côté, mais dans l’observation des cohues humaines qui se livrent bataille pour faire partie de celles et ceux qui, sagement, occuperont ces chaises, qu’on leur présente comme des trônes de vainqueur.e.s. Ces personnes qui restent à côté, dans l’observation du grand marathon humain, ce sont celles qui pourront faire le choix de s’asseoir ailleurs. Un ailleurs où elles peuvent être. Un ailleurs à côté du monde figé et inflexible. Et dans cet ailleurs, les fenêtres sont ouvertes comme les portes. Il y a des chaises, mais aussi des fauteuils, des coussins sur le sol, des sofas et des tabourets. Il y a tant, dans cet ailleurs, de places à explorer. D’expériences à saisir au vol. De lieux de calme et de repos. Juste pour contempler ce qu’il y a de beau à être, continuellement, en permanence, changeant.e.
Alors, n’occupons plus cette place aussi confortable qu’elle est déplaisante. Prendre le risque de s’asseoir ailleurs, c’est expérimenter le courage. Et faire l’expérience du courage nous change à jamais.
R.A


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